Persona non grata : l’exclusion silencieuse
Dans le contexte des salons littéraires, persona non grata, expression dont la sonorité même semble résonner comme un écho de l’exclusion inexorable qui, sans éclat ni scandale, s’accomplit en silence, désigne non seulement ceux dont la présence a été jugée incompatible avec l’harmonie intellectuelle de nos rencontres, mais aussi ceux qui, avec une sorte de désinvolture savamment déguisée en contraintes extérieures, ont peu à peu distendu le lien fragile qui les reliait encore à notre communauté.
Car il est des absences qui s’imposent non tant par leur nécessité que par le flou des excuses, des prétextes de dernière minute où des catastrophes imprévues – presque trop commodes pour être sincères – viennent masquer un désengagement qu’ils n’osent avouer.
Les faux adorateurs du génie littéraire
Parmi ces malandrins, dont la posture aujourd’hui est de s’extasier, à bon compte, devant Kafka ou d’autres grands esprits posthumes, combien, si le hasard les avait placés face à ces génies de leur vivant, auraient, dans un réflexe identique à celui qu’ils manifestent aujourd’hui envers l’art littéraire contemporain, détourné leur regard, refusant d’accueillir l’originalité, le trouble, cette lumière tremblante qui s’épanouit souvent dans les marges du temps avant de devenir éclatante pour ceux qui sauront la reconnaître ?
Ces mêmes esprits qui célèbrent à présent ce qui fut autrefois rejeté auraient probablement, à l’époque, marqué leur désengagement par des gestes d’une indifférence cruelle ou des excuses si laborieuses qu’elles en seraient presque grotesques.
La honte des contemporains, non des auteurs
Et il n’est que trop fréquent, dans l’histoire de la littérature, que ceux dont le génie ne résonne pas immédiatement avec leur époque en viennent à porter le fardeau de ce silence, comme si la faute d’être incompris leur incombait.
Mais non, la honte ne saurait reposer sur ces créateurs qui, tels des éclaireurs, avancent hors des sentiers battus.
Elle appartient à leurs contemporains qui, par un esprit de tradition ou d’une convenance héritée, s’ingénient à les ignorer, préférant se retrancher derrière les normes établies plutôt que d’accueillir la nouveauté dans toute sa force déconcertante.
Ce n’est pas l’auteur qui échoue à parler à son temps, mais souvent son époque qui échoue à le comprendre.
Pas de place pour les hypocrites
Dans nos salons, où chaque échange, chaque rencontre se veut un hommage à l’authenticité, nous ne pouvons tolérer de tels faux-semblants.
Ces prétendus amoureux de la littérature, qui adoptent une attitude de recul ou d’évitement face à l’art vivant, ne peuvent prétendre participer à ce lieu de célébration sincère.
Ainsi, ceux qui, par leur désengagement ou leurs explications douteuses, ont préféré tourner le dos à nos valeurs, se verront désormais accueillis non plus avec la chaleur des amis, mais avec l’indifférence polie réservée aux persona non grata.
Que ce sanctuaire des mots demeure un lieu où l’on célèbre la beauté présente, avant que le temps ne la transforme en mémoire.
Zola Ntondo
Éditeur en chef