Chronique criminelle : Épisode 3 — Comme Marie Trintignant
Poétesse et juriste, autrice de “Succès boisés et autres plaidoiries poétiques”
Toute ressemblance avec des faits et des personnages existants ou ayant existé serait purement fortuite et ne pourrait être que le fruit d’une pure coïncidence.
Et si, tel Marie Trintignant, je devais finir mes jours de manière tragique ?
Et si, de manière énigmatique, je disparaissais ? Que va-t-il se passer ?
Comment peut-on prévoir son crime depuis des mois sans être emprisonné ? Pourquoi, en droit pénal français, la condamnation ne survient-elle qu’après la commission des faits ? Pourquoi ne peut-on pas être inculpé si l’on est suspecté de vouloir commettre un crime ?
Ces incohérences me laissent stupéfaite, pantoise… Depuis trois jours, je regarde le dernier message de mon admirateur anonyme…
« Je suis Nadine, tu es Bertrand »… Et je me tais.
J’ai envie de hurler, de crier, de le maudire. Cela fait presque 6 mois que je suis menacée de mort…
Comment peut-on se sentir quelqu’un et ne pas exister humainement ?
Où est l’humanisme dont parlait Sartre ? Comment peut-on exister sans être humain ? Beaucoup d’êtres humains et peu d’humanité.
« Un individu armé, je répète, tente de s’introduire chez moi par effraction pour me tuer. Pouvez-vous prendre les mesures nécessaires sans me mettre dans l’embarras ?
Il est seul, pénètre seul, prévoit ses coups à plusieurs. Des visages d’enfants, de psychopathes, des traits de criminel… ».
Nouveau portrait robot. Tu es robot, je ne suis pas Marie.
Et les lumières cassées dans le couloir. Qu’attends-tu ? De me trouver en bas de l’escalier pour me tuer ?
C’est romantique, galvanisant de se sentir autant aimée. Mon Dieu merci, tu me sauves la vie !
Lâche tes armes, nous savons tout, et nous n’avons plus de pitié pour toi. Pars, ne reviens jamais. Tu es malade…
J’ai encore aperçu des déclarations d’amour, des véhicules roses et des mots indélébiles… Pourquoi ? Veux-tu encore vivre une histoire d’amour ? Notre histoire est finie, et tu vas être contraint d’accepter la rupture. Notre pays n’autorise pas les unions forcées, mais uniquement sacrées.
Et tu n’es pas sacré, tu le sais ? Tu es juste… repoussant et atroce. Un monstre.
Et voici que je lève la tête, j’ouvre la porte et j’entends quelqu’un courir dans les escaliers, une arme glisse. Vite, la clé ! Je suis en sécurité, l’appartement est fermé à double tour.
Il ne peut pas entrer, il attend derrière les escaliers, et les lumières se brisent, autant que tu veux briser ma vie.
Je ne pourrai plus emprunter la cage d’escalier. C’est terminé, il me faudra utiliser l’ascenseur.
Je monterai plus vite… Ces hautes montagnes russes. Comme Marie… je monterai rendre visite aux anges.
Tu as le choix pourtant, tu peux aimer quelqu’un d’autre ! Mais tu n’y arrives pas, car tu n’as pas les capacités mentales et intellectuelles… J’attends qu’un de mes sosies croise ton chemin pour que tu tombes de nouveau amoureux.
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Comme Bertrand Cantat, tu as choisi de me tuer.
Comme Marie Trintignant, je dois monter.
Comme Nadine Trintignant, je dois raconter.
Comme toi, je dois… aimer quelque chose dont je ne connais pas le nom.
Tu aimes donner un nom à tes desseins, ou tes dessins.
En observant ton dessin, je comprends ton dessein.
Ton dessein le plus noir ? À défaut de me violer ?
Préférer le plus sombre… Et rire. Ultra-sophistiqué, ultra-violet.
Les ultras… ta pire peur ! Devoir affronter tes ardeurs, tes pulsions ! Un criminel, un homme né-criminel, comme Lombroso, tu guettes mon ombre, mon œuvre, ma chaleur.
Comme Lombroso, tu dessineras ton pire et abject dessein, en contemplant mes veines, pour combattre une justice vaine et amère. Tu te laisses couler… en reniant tes origines et ton éducation.
Pour combattre tes sentiments, tu as choisi d’exister autrement, en dessinant. En dessinant des meurtres, tu deviens un criminel dangereux, et comme tout homme né-criminel, tu donnes naissance à un danger. Alors, tu continues, tu persistes, et tu crois aimer.
Je te demande de partir, de ne jamais revenir, c’est mieux pour toi, c’est mieux pour moi. Oublie-moi.
Adieu… J’espère qu’en lisant ces mots, tu seras guéri.
Je prie pour que tu deviennes toi-même. J’espère que tu auras de nouveaux amis, car ces fresques murales me rappellent tristement des fantasmes non résolus, que seule la vie peut te donner.
Si je devais mourir comme Marie, alors je dessinerais un portrait psycho-criminologique, plus caractéristique du crime qu’un dessin que personne ne sait incriminer. N’avez-vous jamais visionné de film policier ? Un dessin peut parfois signifier beaucoup plus qu’un destin… Comment une femme qui esquisse un portrait psychanalytique peut-elle se voir reprocher sa précision à contrario d’un malfrat mal dégrossi qui n’arrive pas à finir son croquis ? Où est le manque de précision ?
Que veux-tu ? La venue des croque-morts ?
Comment est-il ?
Organisé, désorganisé, l’excellence dans le crime, optant pour un acte passionnel gangréné de haine. Une empreinte fatale, puis tu empruntes… de l’argent… et des chemins différents… empreints de désirs… vivant pour un récit prégnant, poignant… ensorcelant ! C’est sa version. Car comme Marie Trintignant…
Je serai condamnée à mourir à défaut de t’aimer.
Il est 5h. Je suis dans le train, le paysage défile lentement, dans 5 minutes je sortirai du train, en terre inconnue et libre.
Mon sac a disparu mais la chronique 3 est sortie.
Judith Ruth Brunel
Juriste
À propos de moi, Judith Ruth Brunel :
Née le 5 janvier 1998 à Lyon, je suis une juriste passionnée par les sciences criminelles. Mon premier livre « Succès boisés et autres plaidoiries poétiques » représente pour moi une fusion unique entre la rigueur de la logique juridique et la délicatesse de la #poésie.